Types de kissaki (pointe) et mune (dos)
Le Kissaki est une partie essentielle de la lame d’un katana, non seulement pour sa fonctionnalité, mais aussi pour son rôle esthétique. Il désigne la pointe de la lame, une zone délimitée par le yokote, le ko-shinogi, le fukura et le munesaki. Cette pointe, bien que petite en taille par rapport au reste de la lame, a une importance immense dans la détermination du style et de la période de fabrication d’un sabre japonais.
Au fil des siècles, plusieurs types de kissaki ont été développés, chacun reflétant l’évolution des techniques de forge et des besoins des guerriers. Du court et précis Ko-kissaki, typique de la fin de la période Heian, au long et imposant O-kissaki, favorisé durant les périodes Nanbokucho et Shinto, chaque forme de kissaki raconte une histoire différente. Ces variations, loin d’être de simples choix esthétiques, étaient souvent influencées par les exigences des combats de l’époque, donnant à chaque lame une apparence et une fonctionnalité unique.
L'étude du kissaki ne s'arrête pas à sa longueur ou à sa forme. Des détails comme le fukura, l'arrondi de la pointe, jouent un rôle crucial dans la solidité et l'efficacité de cette partie de la lame. De plus, la surface du kissaki et le type de mune (dos de la lame) apportent des indications précieuses sur l’origine et l’appartenance d’une lame à une certaine école de forge ou à une période particulière.
l existe plusieurs types de kissaki, chacun ayant des caractéristiques distinctes qui influencent à la fois l'esthétique et la fonctionnalité de la lame. Les trois formes de kissaki les plus courantes sont le Ko-kissaki, le Chu-kissaki et le O-kissaki, qui varient principalement en longueur.
Ko-kissaki (小切先) : Le Ko-kissaki, littéralement "petite pointe," est le type de kissaki le plus court. Ce style de pointe était particulièrement en vogue à la fin de la période Heian (794-1185) et au début de la période Kamakura (1185-1333). Les sabres dotés de ce type de kissaki, comme les tachis de l’époque, étaient conçus pour être portés avec la lame vers le bas, permettant une frappe rapide et précise. Le Ko-kissaki, avec sa forme courte et compacte, est souvent associé aux premiers sabres japonais, reflétant une époque où les techniques de combat favorisaient des coups rapides et ciblés. Cette pointe courte permettait une grande maniabilité, adaptée aux batailles où les guerriers étaient souvent à cheval.
Chu-kissaki (中切先) : Le Chu-kissaki, ou "pointe moyenne," est la forme de kissaki la plus courante et la plus équilibrée. Apparu au milieu de la période Kamakura, il est resté populaire à travers les siècles, jusqu'à nos jours. Sa longueur moyenne offre un compromis idéal entre maniabilité et efficacité, ce qui en fait un choix apprécié pour les sabres utilisés dans diverses techniques de combat. Le Chu-kissaki est largement reconnu pour sa polyvalence, permettant à la lame d'exceller aussi bien dans les coups de taille que dans les coups de pointe. Cette forme harmonieuse et équilibrée le rend adapté à un large éventail de styles de combat et de pratiques martiales.
O-kissaki (大切先) : Le O-kissaki, ou "grande pointe," se distingue par sa longueur significative, qui peut parfois donner à la lame un aspect visuellement disproportionné par rapport à sa largeur. Bien que ce kissaki puisse sembler moins harmonieux, il confère à la lame une apparence plus agressive et imposante. Ce type de kissaki est souvent associé à la période Nanbokucho (1336-1392) ainsi qu’aux périodes Shinto (1600-1868) et Shinshinto (1781-1876). L’O-kissaki était préféré dans des époques où la force brute et la capacité de percer les armures étaient cruciales. Sa longueur allongée permettait une puissance de frappe accrue, adaptée aux batailles plus violentes de ces périodes.
Il existe aussi d'autres types de kissaki, moins courants. Le kamasu kissaki (aussi appelé « barracuda » en référence au poisson du même nom et à sa forme) a un fukura court (voir plus bas pour l'explication du fukura) et serait similaire à la pointe de la plus-part des chokutō (lames droites forgées avant le 10ème siècle) et quelques lames aux débuts de la période Koto (présent donc pour les structures en kiriha-zukuri).
Le kissaki ikubi, retrouvé au milieu de la période kamakura, est très court (en général moins long que le saki-haba, soit la largeur de la lame au niveau du yokote).
Le Kissaki moroha zukuri (également connu sous le nom de Kogarasu zukuri) est une variante de kissaki particulièrement rare et distinctive. Ce type de pointe est unique par son double tranchant, ce qui le distingue des autres kissaki traditionnels qui n'ont qu'un seul tranchant. Le design du moroha zukuri est inspiré des épées chinoises anciennes, les Jians, souvent surnommées les "Gentlemen of Weapons" en raison de leur élégance et de leur efficacité.
Le moroha zukuri était surtout présent durant la période Nara (710-794), une époque marquée par une forte influence culturelle chinoise sur le Japon. Ce type de kissaki était principalement utilisé pour les lames courtes, comme les tantos, mais il a également été appliqué à certaines épées plus longues. Le sabre le plus célèbre possédant ce type de kissaki est le Kogarasu-maru, une lame légendaire attribuée à Amakuni Yasutsuna, considéré comme le père du tachi, l'ancêtre direct du katana moderne. Le Kogarasu-maru est un exemple emblématique de l'intégration des influences étrangères dans l'artisanat japonais, tout en conservant un style distinctivement japonais.
En raison de son double tranchant, les katana ou tantō dotés d'un kissaki moroha zukuri sont classifiés comme des armes de catégorie D en raison de leur dangerosité accrue. Cette classification les place dans une catégorie de contrôle plus stricte, car ils sont considérés comme potentiellement plus dangereux que les lames traditionnelles à simple tranchant. Leur rareté et leur conception unique en font des objets de collection prisés, mais également des armes nécessitant une manipulation prudente et respectueuse des réglementations en vigueur.
La surface du kissaki est aussi largement influencée par la longueur du fukura, c'est à dire l'arrondi de la pointe.
On parle de fukura-kareru (fukura ressortant peu, assez incisif, souvent présent sur les tanto) et de fukura-tsuku (arrondi et donc ressortant plus, augmentant ainsi la solidité du kissaki en règle générale, ainsi que sa surface, forme la plus courante).
Mune
Le mune ou dos de la lame est un élément essentiel qui révèle beaucoup sur l'identité et l'origine d'un sabre japonais. Bien que souvent négligé par rapport au tranchant, le mune joue un rôle crucial dans la structure et l'équilibre de la lame, et son style peut également indiquer la tradition ou l'école de forge dont le sabre est issu.
Chacun de ces types de mune contribue à la fonctionnalité, à l'esthétique, et à l'équilibre du sabre, tout en portant en lui des indices sur l'école de forge, la période historique, et les intentions de son créateur. Pour les connaisseurs, le mune est bien plus qu'un simple élément structurel ; il est une signature, un détail qui ajoute à la complexité et à la beauté du katana.
Les différents types de mune :
Tandis que le Hira mune ou Kaku-mune (mune plat) se retrouve surtout sur les anciennes lames, le Iori-mune ou gyo no mune (mune en forme de « toit ») est très présent depuis la fin de la période Koto. Deux variantes de Iori-mune existent, le mune Hikue (ou Iori Hikushi) et le Takai (ou Iori Takashi, plus marqué), voyez plutôt :
Le Iori Takashi se retrouve beaucoup dans les écoles de tradition Yamato. Le Iori Hikushi se retrouve plus dans la tradition Bizen. Le Mitsu-mune ou Shin no mune est assez proche du Iori-mune mais possède trois faces. Il est relativement présent et très caractéristiques des lames de la tradition Soshu, ainsi que des tantos de la tradition Yamashiro. Certains forgerons renommés de la période Shinto faisaient ce type de Mune. C'était le cas de Umetada Myoju et Echizen Yasutsugu (tout deux de la tradition Soshu). Le Maru-mune ou So no mune (arrondi) est comme le Kaku-mune assez rare. Non pas parce qu'il était présent sur les lames très anciennes, mais parce qu'il était surtout caractéristique de l'école Ko-Aoe ainsi que de certains forgerons bien spécifiques.
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