Artkatana
Tameshigiri : La performance du katana Japonais
Le tameshigiri (s'écrivant plus justement tameshi giri, signifiant « test de coupe », appelé aussi parfois kiridameshi) consiste à tester l'efficacité d'un sabre. Très pratiqué pendant la période Edo (1600-1868), les tests étaient effectués essentiellement pour les katanas et wakizashis, et étaient souvent menés à bien par des samouraïs désignés par leur daimyo. Ainsi, soit le samouraï testait sa future lame, soit il testait les katanas destinés aux troupes de leur seigneur. Ces tests étaient en général effectués sur des humains. Que ce soit sur des ennemis d'un camp adverse, ou même sur un passant (pratique nommée le Tsugi Giri, soit « trancher à la croisée des chemins »), la pratique la plus courante consistait néanmoins à utiliser le sabre sur des condamnés à mort ou des criminels, qui avaient été préalablement décapités (bien que ce n'était pas toujours le cas). Yamano Kaemon, Yamano Kanjuro et Yamada Asaemon, étaient des testeurs très compétents qui avaient été embauchés par le gouvernement. Les bourreaux pouvaient alors tester leur armes selon différents angles de coupe :
Termes utilisés à partir de la période Edo (pour leur signification, visitez le site lebujutsu.net)
Souvent, on notait ensuite sur la soie de la lame (nakago) le nombre de corps coupés en faisant des traits de lime sur l'acier, ou en notant entièrement la date, le nom du testeur, et les résultats de coupe, respectivement en 3 colonnes. C'est ce qu'on appelle le tameshi-mei. « Futatsu do otosu » (a coupé deux troncs), signifiait par exemple que le katana avait pu couper deux troncs superposés. Couramment les katanas obtenaient un score de deux ou trois corps, ainsi que quelques centimètres (qui donc étaient mesurés) dans la bute de sable sur laquelle étaient posés les corps.
Tameshi-mei par Yamano Nagahisa incrusté d'or comme c'était souvent le cas pendant la période Edo
Pour réaliser ces tests de coupe, on plaçait le ou les cadavre sur ce fameux monticule d'environ 30cm (dodan), et on maintenait le tout au moyen de quatre bambous (hasamitake). Le test se réalisait avec un « kirizuka » manche spécialement prévu, qui permettait grâce à sa longueur, ajustée en fonction de l'arme, de tester même les tanto en ajoutant un poids à l'ensemble. Il était dit que la coupe la plus difficile, était celle allant d'une épaule à l'autre.
Il arrivait que le forgeron vienne assister aux tests habillé d'un kimono cérémonial blanc, pour se faire seppuku en cas d'échecs. Évidemment seuls les forgerons très sûrs et fiers de leurs techniques de forge étaient prêt à aller jusque là, et cela restait donc très rare. Ces tests avaient une grande influence sur le prix final des sabres, et même si l'ère Edo était une période de paix, on était très fier de porter un wazamono, ou sabre très coupant. Ainsi, le livre Kaiho Kenjaku, écrit en 1815 par Yamada Asaemon Yoshitoshi, fait un classement de 180 lames avec lesquelles l'auteur (engagé par les Tokugawa) a pu faire des tests de coupe. Évidemment, ce livre ne contient donc qu'une petite partie des lames testées, et ne semble d'ailleurs pas contenir de sabre Kotō très anciens (sabres de la période précédent. En tête du classement, les Saijo O-wazamono, avec seulement quatorze forgerons. En voici un signé Hishu ju Tadayoshi :
Saijo O-wazamono de Hishu ju Tadayoshi
Viennent ensuite les O-wazamono (qualité excellente) avec vingt et un forgerons, les Ryo-wazamono (très bon) avec cinquante forgerons, et les Wazamono (bon) avec quatre-vingt forgerons. Toutes ces lames sont encore aujourd'hui considérées comme faisant partie des plus grands sabres réalisés dans toute l'histoire du Japon.

De nos jours ces tests de coupe sont effectués sur des bottes de paille de riz (ou plus occasionnellement sur des bottes de roseaux) pour représenter la consistance de la peau, que l'on renforce éventuellement avec une tige de bambou au centre pour imiter le cou humain ou l'os. Le plus classique reste la botte de paille de riz sans bambou, car le bambou ne peut s'attaquer efficacement qu'à 45°. Ces tests ont surtout pour but de tester les mouvements et techniques du pratiquant, et non plus la qualité de la lame. Pour cette raison on parle parfois de Shito ou Shizan plutôt que de Tameshigiri, pour mieux faire la distinction. Ces coupes sont faites selon les huit directions habituelles (Happo giri), voici un échantillon de ce qui peut être fait en tameshigiri :
Pour une frappe rapide et donc plus efficace, il faut avoir les bras et les épaules détendues, ainsi qu'une position stable. Il est aussi recommandé de faire un mouvement de torsion (Shibori) avec ses mains (comme lorsque vous essorez quelque chose) ceci dans le but de donner de la force en contractant vos muscles, et de stabiliser la lame pour qu'elle reste droite au moment de l'impact. Dans le même but qu'un coup en boxe (donner de l'inertie), il faut savoir utiliser le mouvement de rotation du corps ainsi que les hanches, technique par ailleurs étudiée en Iaï (Iaigoshi). Le déplacement du corps est lui aussi important en fonction des techniques, et le coup doit ensuite être appuyé (Kime).

Il ne faut pas confondre le tameshigiri avec le battōdō : le battōdō est, au même titre que l'iaidō par exemple, un des enseignements dans la maîtrise du sabre japonais, qui était enseigné dans les koryu (écoles anciennes). C'est donc un art martial composé de kata (mouvements), souvent pratiqué conjointement avec l'iaidō, le kendo, ou le kenjutsu. Il faut néanmoins savoir distinguer trop souvent le tameshigiri des autres pratiques, alors que l'iaidō contient des mouvements de tameshigiri, et que certains grands maîtres tel que Nakatyama Hakudo, ont toujours insisté sur le fait que le tameshigiri devrait être pratiqué une fois avoir atteint un très bon niveau en iaidō. En France le terme battōdō est très utilisé et une grande différence de sens y est apportée, à juste titre, puisqu'il ne faut pas oublier qu'initialement et historiquement, le tameshigiri avait pour but de tester la lame (jusqu'au 20ème siècle du moins), alors que le battōdō se focalise sur le pratiquant et non la lame, et était pratiqué en école.